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Japon: 150 ans après, l'énigme de "la Pendule de 10.000 ans" enfin résolue
TOKYO (AFP),
le 09-03-2005


Elle ne mesure que 60 cm de haut, ne pèse que 38 kilos, mais elle a donné
bien du fil à retordre à des dizaines de chercheurs.

C'est la "man nen dokei", littéralement la "Pendule de 10.000 ans", une
machine à égrener le temps conçue en 1851, dont les scientifiques japonais
viennent enfin de percer le mystère.

Née de l'imaginaire du "génie des merveilles mécaniques", Hisashige Tanaka,
fondateur du groupe Toshiba, la "man nen dokei" est d'abord un objet d'art
orné de bois, de verre, d'émaux et de métaux, minutieusement peints et
travaillés.

Mais elle est surtout une formidable invention dont le processus complexe a
vaincu trois équipes d'investigateurs fascinés, en 1949, 1955 et 1968.

La quatrième tentative pour résoudre l'énigme, lancée en mars 2004 par
Toshiba (propriétaire de l'objet) et le Musée national des sciences, a été
la bonne.

"Les ingénieurs, professeurs et chercheurs ont enfin compris, cette année,
comment fonctionne le fantastique mécanisme de la +man nen dokei+", capable
de suivre précisément le rythme du temps durant 10.000 ans, se félicite
Junichi Nagaki, porte-parole de Toshiba.

La pendule, qui peut fonctionner durant une année en n'étant remontée qu'une
seule fois, a donné lieu à une multitude d'enquêtes et autant de documents.

Plus qu'une horloge, c'est un trésor de technologies, le nec plus ultra de
l'art de l'époque.

"Sa précision est telle que même les techniques d'aujourd'hui ont des
difficultés à l'égaler", a déclaré M. Nagaki à l'AFP.

Les six faces de la "man nen dokei" illustrent l'écoulement du temps avec
une exactitude absolue: à la manière d'une montre occidentale; suivant les
phases de la lune; au rythme des jours de la semaine; au fil du calendrier
annuel lunaire japonais; selon les heures du jour et de la nuit (réparties
en quatre blocs de six heures); enfin conformément aux signes du zodiaque
asiatique.

Une équipe de plus de cinquante experts d'art et de scientifiques de
Toshiba, du Musée national des sciences, de l'horloger Seiko et de
l'Université de Tokyo a oeuvré un an pour autopsier la pendule et en
analyser la façon et les mécanismes retors.

Ils l'ont examiné au rayon X afin de déterminer la nature des matériaux, ils
l'ont "clonée" sous forme virtuelle en trois dimensions sur ordinateur pour
suivre la marche de ses engrenages, ils l'ont entièrement désossée,
composant par composant pour n'omettre aucune pièce du mécanisme, si petite
fut-elle.

Un véritable jeu de patience et de persévérance au bout duquel ils sont
enfin parvenus à décrypter ses secrets.

Mais triomphe encore inachevé puisque les artisans d'art et les ingénieurs
s'étaient fixés pour but de façonner "à la main" une exacte réplique, en
état de marche, de cette "Pendule de 10.000 ans" qui se jouait insolemment
de leur temps.

"Le plus difficile a été de réussir à reproduire un objet qui fonctionne
exactement comme l'original, aussi précisément, dans la durée", ont expliqué
les chercheurs.

Ils y sont parvenus il y a quelques semaines.

Les détails des ornements ont exigé le recours à des "sculpteurs et des
peintres professionnels, spécialistes de l'art traditionnel japonais", selon
Toshiba.

La "Pendule de 10.000 ans" a ainsi mobilisé une armée d'experts à plein
temps, durant un an, pour un coût de plus de 100 millions de yens (750.000
euros).

S'ils ont percé le mystère du mode de fonctionnement datant d'un siècle et
demi de la petite horloge, et ont finalement réussi à la reproduire, les
chercheurs s'interrogent toujours sur "l'éclair de génie" de son concepteur.

La réplique de cette oeuvre mécanique, mise en service mardi, sera exposée
pendant l'Exposition universelle d'Aichi, près de Nagoya, du 25 mars au 25
septembre.

Une deuxième reproduction identique et fonctionnelle est actuellement en
cours de fabrication pour être ensuite louée à des musées des arts et de
sciences.