La « loi du marché » peut-elle induire à légiférer pour obliger à la vertu ?
( ... tout en gardant une grande mansuétude pour l'hypocrisie)
Un grand débat semble nous
être actuellement 'joué' à propos des droits
d'auteur et de la copie d'œuvres
musicales sur support informatique.
On nous parle d'une « licence
globale » qui permettrait à celles et ceux qui
veulent bien la payer de télécharger tout ce qu'ils
veulent, tandis que les autres se verraient dûment fliqués
pour contrôler qu'ils ne s'avisent jamais de recopier quoi que
ce soit.
Je m'arrête ici sur ce point pour
développer une contre-argumentation que je n'ai
malheureusement pas encore entendue.
'Des goûts et des couleurs on ne discute point' ! : Qui osera prétendre avoir une quelconque légitimité démocratique pour attribuer un pourcentage de cette manne à un auteur plutôt qu'à un autre ? Cette répartition, serait-elle décidée par les plus grands esthètes estampillés par la République, et prendrait-elle en compte un quelconque audimat, elle n'en resterait pas moins subjective et sujette à caution. Il est déjà difficile de trouver des élus en phase avec nos convictions politiques, va-t-on bientôt nous demander d'en trouver qui soient en plus les promoteurs de nos choix esthétiques ?!
3°) si la loi envisagée
était adoptée, il deviendrait alors naturel que les
contrevenants soient sanctionnés. Mais ce qui me choque, c'est
que l'on imagine déjà de surveiller activement, et
uniquement, toutes celles et ceux qui ne paieraient pas cette
« licence globale » .
Cette idée
me semble contraire à la notion de présomption
d'innocence. Pour être efficace, vu la complexité
grandissante des moyens technologiques impliqués, la
surveillance évoquée devrait fatalement devenir plutôt
lourde, insidieuse, rusée ... On arriverait alors à une
contradiction insurmontable entre ce contrôle légal et
le devoir Français de préserver l'Égalité
entre tous les citoyens. En effet, quelqu'un qui ne télécharge
jamais de musique, et qui n'a réellement aucune intention de
le faire, ne devrait pas, à priori, être suspecté
!
Même si les contrôleurs étaient
assermentés et astreints au secret le plus absolu, le fait
même qu'ils risquent d'être amenés à
surveiller les échanges privés d'une partie délimitée
de la population constituerait un biais contraire à notre
devise française de « Liberté, Égalité,
Fraternité ».
4°) Le contrôle des non-payeurs de la « licence globale » sous-entend un coût public non négligeable; il alourdirait la charge de travail et les effectifs des fonctionnaires de notre pays.
Mais surtout, il accentuerait la difficulté des citoyens à pouvoir comprendre et évaluer la légitimité des actes de l'Exécutif et le fonctionnement même de la Justice.
Note : En parallèle à ces interrogations, on peut envisager la question sous un autre angle.
On prétend vouloir défendre le « Marché » et la Créativité en contrôlant au plus serré la circulation des œuvres produites.
Pourquoi refuser d'envisager une régulation plus simple et plus naturelle : Si la production de certaines œuvres nécessite de disposer de gros moyens financiers, et si ces œuvres sont 'piratées', on pourrait effectivement s'attendre à ce qu'elles ne soient bientôt plus rentables : ces œuvres se raréfieraient ... Mais alors, si les clients de ce genre d'œuvres restaient demandeurs, ils s'arrangeraient d'eux-mêmes, et non pas par contrainte, à faire en sorte que les auteurs puissent les satisfaire ... ( Sinon un certain nombre de chef-d'œuvres, dus à une régulation artificielle du « Marché » risqueraient de péricliter : serait-ce si grave ? )
Don Quichotte