POLITIQUE DU « CERVEAU DROIT »
traduction de Aidan Rankin par Ganpata
C’est devenu un truisme, même dans une grande partie de la classe politique, que les termes « gauche » et « droite » ne sont plus des points de référence adéquats, s’ils l’ont même jamais été. Car ils ont toujours été des étiquettes plutôt arbitraires, basées sur l’arrangement des sièges dans l’assemblée qui émergea de la Révolution Française de 1789. Ceux qui étaient en faveur d’un changement radical ou de la complète réorganisation de la société s’assirent sur la gauche, ceux dont l’approche était plus conservatrice et plus prudente s’assirent sur la droite.
La signification de la gauche et de la droite a changé de nombreuses fois depuis lors, et souvent d’une manière apparemment hasardeuse, reflétant plus les tendances intellectuelles que des vérités subtiles ou des réalités sous-jacentes. Les mouvements fascistes de l’Europe du vingtième siècle ont pour la plupart été classés à « droite », bien qu’ils étaient révolutionnaires, collectivistes et iconoclastes, des attributs habituellement associés à l’extrême « gauche ». Mussolini commença sa carrière dans la politique italienne comme un militant de gauche, et le mouvement nazi allemand se nomma national-socialiste, un rival radical du communisme. De même, dans la politique russe d’aujourd’hui, les communistes de la ligne dure et les nostalgiques de Joseph Staline sont qualifiés de « droite » ou de « conservateurs », bien que dans des circonstances plus habituelles ils seraient considérés sans équivoque comme étant de gauche.
Le fondamentalisme du libre-échange, une mode intellectuelle actuelle, est aussi identifié à la « droite », bien qu’il soit essentiellement un recyclage de l’économie libérale du début du dix-neuvième siècle, qui était alors associée à la gauche radicale. Pourtant, l’idéologie de la suprématie du marché est généralement décrite comme conservatrice, ou « néo-conservatrice ». Cependant, le fondamentalisme du libre-échange est une doctrine très non-conservatrice, car il réduit les êtres humains à de simples unités de production et de consommation, à la merci de forces économiques abstraites. Plutôt que la stabilité et la continuité, il est en faveur du changement perpétuel et de l’abolition de toutes les croyances, coutumes et particularités locales qui se trouvent sur le chemin des forces du marché. Ainsi, l’idéologie du libre-échange qui sous-tend la phase actuelle du capitalisme commercial a beaucoup en commun avec l’idéologie révolutionnaire de l’extrême-gauche, qui est tout aussi universaliste, tout aussi dédaigneuse de la tradition ou de la coutume, tout aussi réductionniste dans sa vision des êtres humains en tant qu’unités économiques. Dans l’arène politique, donc, la droite et la gauche ne sont pas des polarités, comme elles semblent l’être, mais convergent et se nourrissent l’une l’autre. Plus leur hostilité mutuelle est virulente, plus leurs slogans et leurs programmes sont apparemment opposés, plus les mouvements de droite et de gauche ont de choses en commun.
Les adhérents des doctrines de « gauche » et de « droite » font la même erreur concernant la politique et l’économie. Là où il devrait y avoir de la diversité, ils imposent l’uniformité, là où il pourrait y avoir l’unité, ils établissent des divisions : entre individus, entre groupes humains, entre le spirituel et le terrestre, entre l’humanité et la nature. La faiblesse se trouvant au cœur du paradigme gauche/droite est qu’il ignore et marginalise la dimension spirituelle, enjoignant aux êtres humains de voir leurs vies exclusivement à travers une optique matérielle. Cela est vrai même là où de tels mouvements en appellent bruyamment à des valeurs basées sur la foi - par exemple la droite religieuse - ou promeuvent une forme d’évangélisme séculier, comme dans le cas des « Verts » radicaux et de la plupart des sections de la gauche marxiste. C’est peut-être particulièrement vrai dans ces derniers cas, la rhétorique des activistes tentant de combler un vide spirituel. A cause de sa vision exclusivement matérielle, le paradigme gauche/droite de la politique moderne a une limitation inhérente. Il n’offre qu’une vue partielle de l’expérience humaine, négligeant des composantes clés de ce qui nous rend humains, tels que le désir de se développer en tant qu’êtres moraux et spirituels, de transcender le matériel tout autant que d’améliorer les conditions matérielles, et d’être plus que de simples producteurs et consommateurs.
Ce point de départ, le partiel à la place de la totalité, explique une grande partie du comportement des mouvements de gauche et de droite. Leur vision partielle de la vie humaine se traduit par des programmes politiques partiels, basés sur des interprétations limitées et subjectives qui sont ensuite traitées comme des vérités objectives. C’est pourquoi la gauche et la droite tendent toutes deux vers l’intransigeance et le dogmatisme, et pourquoi elles ont presque toujours besoin de recourir à la force. Cette force peut être affichée, comme dans les cas de dictature, de terrorisme et de guerre, ou de l’invasion de pays plus faibles par des puissances plus fortes. Mais souvent, il s’agit d’une coercition législative plus subtile, superficiellement bénigne mais inflexible et rigide, inspirée par une croyance en la perfectibilité de la race humaine mais dépourvue de respect pour les êtres humains individuels ou pour la complexité des relations humaines.
L’approche partielle, unilatérale, de la politique, s’exprime de différentes manières à travers le spectre gauche/droite. Par exemple, la droite purement réactionnaire met l’accent sur la tradition pour elle-même, appelant à préserver les coutumes et les habitudes du passé en les mettant dans la naphtaline. Une vision aussi étroite passe à coté de la signification intérieure de la tradition, à savoir qu’elle devrait être une base sûre sur laquelle on peut construire et améliorer, et que les meilleures traditions survivent en étant confrontées à des idées nouvelles et en émergeant plus sages ou plus profondes. La tradition n’est pas bonne en elle-même, car il y a beaucoup de traditions dans de nombreux endroits qui peuvent être vues comme étant corruptrices ou malades. Cependant les traditions se révèlent bonnes, et dignes d’être préservées, lorsqu’elles agissent comme des points de référence utiles pour une communauté humaine, bref lorsqu’elles font partie d’un processus d’évolution sociale. Faire de la tradition un fétiche idéologique de la part de la droite est aussi facile et aussi dangereux que faire une attaque idéologique effrénée contre la tradition de la part de la gauche. En effet, la tactique et les suppositions sous-jacentes des réactionnaires ne sont pas traditionnelles du tout, en dépit de leurs affirmations, mais révolutionnaires et iconoclastes.
Cet axe révolutionnaire/réactionnaire est illustré par les divers types de fondamentalisme religieux se répandant sur le globe à cause de l’insatisfaction face à la religion et à la politique conventionnelles. La « droite chrétienne » aux Etats-Unis invoque la tradition, mais est populiste dans ses campagnes, demande un changement politique et constitutionnel radical et est soutenue surtout par la petite classe moyenne provinciale, s’opposant à une élite métropolitaine. De même, l’aile militante de l’islam politique, rendue célèbre par Al Qaïda, croit en la terreur révolutionnaire en tant qu’instrument de changement et trouve une cause commune avec la gauche radicale contre les valeurs occidentales dominantes.
Surtout, la partialité du paradigme gauche/droite s’exprime dans une croyance aveugle et presque superstitieuse au « progrès ». Celle-ci peut prendre la forme d’une ligne droite avançant inexorablement, comme avec beaucoup d’économistes libéraux, qui parlent en termes de croissance économique, de prospérité et d’avancée technologique toujours plus fortes, sans prendre ne compte le coté éthique de ces développements. Une telle approche a étayé la vision scientifique du monde qui a prévalu en Occident jusqu’à sa récente contestation par des approches holistiques de la science. Dans le contexte de cette discussion, elle peut être qualifiée de vision de droite du progrès. La vision alternative du progrès, généralement de gauche, est définie par la lutte entre des forces opposées, où l’une triomphe finalement de l’autre. Celle-ci est essentiellement tout aussi linéaire que la vision de droite, parce qu’elle considère le progrès et la « victoire » des « forces progressistes » comme historiquement inévitable. Une telle victoire implique la défaite des autres principes, et donc les idéologies de combat ne permettent aucun compromis entre les « camps » opposés. Souvent, le combat lui-même obscurcit le but originel se trouvant derrière lui.
De cette approche de la politique, la lutte des classes marxiste fournit le plus clair exemple. Dans sa forme grossière, elle définit les êtres humains par leur relation avec les « moyens de production » plutôt que par leurs traits individuels ou culturels. Le processus politique devient une extension de la lutte économique : entre la classe « opprimée » et la classe « dirigeante », avec comme but la défaite de cette dernière et une « égalité » résultante. Ce modèle a été largement discrédité par l’échec des régimes marxistes dans la pratique, et aussi par la conscience que les êtres humains ne peuvent pas être réduits à des membres d’une « classe ». Nous sommes des créatures plus complexes que cela, parce qu’à un niveau nous sommes des individus uniques, et à un autre niveau nous avons une humanité partagée. Les deux réalités transcendent les divisions arbitraires de la théorie économique.
Pourtant la tentative de diviser l’humanité en forces opposées est plus ancienne que le marxisme et, en Occident particulièrement, conserve une grande emprise sur l’imagination politique et domine une large variété de mouvements considérés comme « progressistes ». Le féminisme occidental, par exemple, tend à promouvoir une « lutte des sexes » à la place d’un équilibre créatif des principes mâle et femelle. Il tend simultanément à l’hostilité envers les hommes et à la masculinité, et à un désir d’imposer aux femmes des rôles traditionnellement « mâles », qu’elles le souhaitent ou non. Cette incohérence vient d’un programme politique basé sur l’opposition, la lutte et la victoire superficielle, plutôt que sur une recherche de l’équilibre, de la réconciliation et de la croissance spirituelle au niveau individuel tout comme au niveau social. D’autres mouvements « progressistes », comme l’antiracisme et les droits des gays, partagent cette approche basée sur la lutte, et donc bien trop souvent ils finissent par nuire à ceux qu’ils cherchent à assister et par générer de nouvelles divisions sociales au lieu de transcender les anciennes.
Les mouvements « progressistes » de ce type affirment habituellement être rationalistes, et rejettent presque toujours la dimension spirituelle comme étant réactionnaire ou rétrograde. Au-dessous du rationalisme, il y a une colère et une rage à peine refoulée, qui s’exprime dans la rigidité de la pensée, le fanatisme, la coercition d’Etat ou des actes de violence politique. Parce qu’ils ne peuvent pas faire face à leur sous-courant violent, les mouvements progressistes de gauche échouent même dans leurs moments de succès apparent, et deviennent l’image miroir des « forces de réaction » auxquelles ils s’opposent. Cela explique pourquoi le mouvement Vert a été la plus grande déception de la dernière génération politique. Sa tentative inspirante de créer une forme holistique de politique, « ni droite ni gauche, mais devant », s’effondra rapidement parce que les fondations étaient encore celles de la colère et de la lutte. Ainsi les Verts sont devenus rouges, les féministes sont devenues machos et les antiracistes sont devenus racistes. C’est parce que malgré l’aspiration à la transcendance, l’étroit paradigme gauche/droite reste en place.
Que faut-il donc faire ?
Les résultats de la politique basée sur le conflit, du « vous êtes soit avec nous soit contre nous », sont de plus en plus apparents, à la fois par les iniquités évidentes du monde actuel et par les tentatives bâclées de les améliorer. Ces efforts échouent si gravement parce qu’ils sont basés sur des prescriptions idéologiques unilatérales. Trop souvent, les réformateurs se transforment en fanatiques et en oppresseurs par frustration, parce qu’ils opèrent seulement sur une longueur d’onde, que les autres ne peuvent pas ou ne veulent pas écouter. Le paradigme gauche/droite est lui-même unilatéral, parce que les divisions entre « droite » et « gauche » sont superficielles en comparaison de leurs attributs partagés. Il vaut donc mieux penser moins en termes de politique gauche/droite et plus en termes de politique du « cerveau gauche ».
La politique du « cerveau gauche » fait appel à une seule moitié de la conscience humaine, la rationaliste, la linéaire, la matérialiste et la dynamique, l’impulsion vers la croissance et le changement. Ces attributs sont de grande valeur pour nous, à la fois individuellement et collectivement, parce qu’ils nous permettent d’évoluer en tant qu’êtres moraux, et de contribuer à un processus d’évolution sociale. Mais ils ne peuvent faire cela avec succès que lorsqu’ils sont équilibrés par des principes complémentaires qui leur donnent un contexte plus large. Le changement devient destructeur sans stabilité et sans continuité, la pensée linéaire devient étroite, superficielle et abstraite sans la capacité de penser autour des questions, de faire appel à l’intuition aussi bien qu’à la pensée rationnelle. De même, le matériel devient bientôt philistin, stérile et cruel lorsqu’il est coupé de sa nourriture spirituelle. Comme Pascal l’observa sagement, « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ». En d’autres mots, la raison laissée à elle-même devient rapidement irrationnelle. C’est ce qui arrivé à la politique moderne, dans ses manifestations de gauche tout comme de droite.
Les qualités de rationalisme et d’abstraction ont fini par être largement associées à l’hémisphère gauche du cerveau. Cette association, en partie scientifique, en partie poétique, s’est infiltrée dans la conscience populaire en même temps que la conscience que les modèles de pensée occidentaux, en particulier, ont trop mis l’accent sur le coté gauche du cerveau et ont dangereusement négligé le coté droit. Le « cerveau gauche » décrit donc la nature unilatérale du discours politique, qui aboutit au dogme et au conflit parce qu’il est détaché du coté intuitif de la conscience humaine. Dans la neuroscience occidentale, ce coté est associé à l’hémisphère droit du cerveau. C’est ce coté qui est contemplatif et éternel, qui apporte l’équilibre au dynamique et au créatif, et qui tend un miroir critique à la certitude. Et ainsi la « politique du cerveau droit » décrit la tentative de rééquilibrer notre pensée sur la politique et la société dans le sens d’une approche plus holistique et moins basée sur le conflit.
En d’autres mots, les hémisphères gauche et droit du cerveau sont les expressions modernes de principes qui sous-tendent toutes les formes de vie. Complémentaires plutôt qu’opposés, ils trouvent leur expression ancienne dans le Yin et le Yang du taoïsme, ou Shiva et Shakti dans la philosophie védique. L’énergie Yang est créative, dynamique et tournée vers l’avant : c’est une énergie « progressiste », du cerveau gauche, qui nous conduit à inventer, à adapter et à changer. Elle a un sens seulement lorsqu’elle est complétée par le Yin, qui est nourrisseur, réceptif et constant. Shakti et Shiva dans la tradition védique peuvent aussi être vus comme des archétypes des principes des cerveaux gauche et droit respectivement. Le Yang ne peut pas fonctionner sans le Yin, Shakti a besoin de Shiva, de même que sans le cerveau droit, le cerveau gauche devient chaotique et destructeur au lieu d’être rationnel. Cet équilibre des principes complémentaires est au cœur de la philosophie du Yoga Intégral de Sri Aurobindo. Le mot « intégral » implique une totalité formée de parties composantes, qui constituent ensemble une unité. Une telle unité est atteinte par un équilibre qui est basé non sur le compromis ou l’abandon des principes, mais sur une synthèse des parties complémentaires, à travers laquelle celles-ci deviennent des aspects de quelque chose de plus grand.
Ecrivant en 1910, et anticipant les études de la fin du vingtième siècle sur le cerveau et ses fonctions, Sri Aurobindo parlait des sphères gauche et droite de la conscience en termes des caractéristiques des deux mains :
« L’intellect est un organe composé de plusieurs groupes de fonctions, divisibles en deux classes importantes, les fonctions et les facultés de la main gauche et les fonctions et les facultés de la main droite. Les facultés de la main droite sont compréhensives, créatives et synthétiques, les facultés de la main gauche sont critiques et analytiques… La gauche se limite à la vérité assurée, la droite saisit ce qui est encore insaisissable ou mal assuré. Toutes deux sont essentielles à la complétude de la raison humaine. »
Les « mains » de la métaphore de Sri Aurobindo correspondent aux hémisphères du cerveau. Cependant elles représentent aussi ces paires complémentaires qui existent à l’intérieur de la nature et de la conscience. Chaleur et froid, lumière et obscurité, esprit et matière ne sont pas des pôles opposés, ainsi qu’ils sont trop souvent présentés dans la pensée occidentale, mais ont besoin l’un de l’autre, en fait n’ont de sens qu’en relation l’un avec l’autre. Le problème avec la politique est que les idées associées à la « gauche » et à la « droite » ont été si polarisées qu’elles ne reflètent pas la réalité humaine ordinaire, sans même parler d’un usage supérieur. Pour cette raison, les programmes des mouvements de « gauche » et de « droite » perdent leur élan ou deviennent monstrueux. En fin de compte, la politique de l’opposition est à la fois dangereuse et stérile. La politique du cerveau droit sera une politique de synthèse, de transcendance, à la place de la polarisation et du conflit.
Sri Aurobindo reconnut que les problèmes de l’humanité ont été causés largement par l’habitude d’adopter des visions partielles, unilatérales, et ensuite de les imposer aux autres. Il comprit que la partie ne peut pas être comprise sans référence au tout, que le spécifique ne peut pas être traité sans être placé dans un contexte beaucoup plus large. C’est cette idée qui le conduisit à abandonner le nationalisme militant et la lutte armée, en faveur de la contemplation spirituelle et de la réforme sociale non-violente. Au lieu de projeter la colère vers l’extérieur, comme dans la politique du cerveau gauche, il apprit à cultiver la paix intérieure. Sri Aurobindo enseignait que le gain et la prospérité matériels perdent leur valeur si une conscience spirituelle est absente. De manière significative, il arguait aussi l’inverse. La spiritualité « pure » perd ses traits positifs lorsqu’elle devient abstraite et éloignée de l’expérience humaine. Ainsi la philosophie de Sri Aurobindo était basée sur la découverte d’une continuité entre pensées de cerveaux droit et gauche, sur une synthèse des deux principes, pas sur une polarisation, comme dans la politique gauche/droite. Ainsi, il décrit le système du Yoga Intégral dans ces termes :
« Yoga signifie union avec le Divin - une union soit transcendantale (au-dessus de l’univers), soit cosmique (universelle), soit individuelle, ou, comme dans notre Yoga, les trois ensemble. »
Dans une veine similaire, le théosophiste Rohit Mehta commença sa carrière comme militant socialiste, avant de rééquilibrer les principes des cerveaux gauche et droit à l’intérieur de lui-même aussi bien qu’à l’extérieur. Il comprit qu’il ne suffisait pas de tenter de transformer la société, si on ne se transformait pas soi-même en tant qu’individu. « Seul un individu transformé », écrivit-il, « peut devenir le noyau d’un changement social fondamental ». Mehta pensait que le meilleur équilibre psychologique et spirituel pouvait être atteint par une synthèse des deux anciens systèmes du Yoga et du Tantra. Ceux-ci devaient être vus moins comme des rivaux que comme les parties complémentaires d’un tout :
« Le Yoga sans le Tantra devient impuissant, tout comme le Tantra sans le Yoga devient aveugle. »
Le Tantra est basé sur la visualisation et sur le pouvoir formatif de la pensée (kriyashakti) et correspond donc au cerveau droit, qui répond aux images plus qu’aux paroles. Le Yoga, basé sur le pouvoir rigoureusement dirigé de la conscience (icchashakti), correspond au cerveau gauche, qui s’occupe de la conscience et de l’abstraction. Le Yoga Intégral de Sri Aurobindo contient de nombreux éléments tantriques et est donc compatible avec la synthèse de Mehta. D’une façon cruciale, les deux penseurs reconnurent que l’auto-transformation et la réforme sociale étaient intimement liées et ne pouvaient pas exister l’une sans l’autre. Aurobindo fut influencé par la Mère dans son rééquilibrage des pensées des cerveaux gauche et droit, et dans sa fusion de la vie active et de la vie contemplative. En un sens, leur relation incarne l’équilibre des hémisphères, l’union des efforts spirituel et pratique.
La politique du cerveau droit implique un changement de conscience, une forme d’évolution mentale. Dans ce sens, elle est l’aile politique du Yoga Intégral.
Cet article a été originellement publié dans le numéro de décembre 2003 de Next Future, le magazine de la Société Sri Aurobindo