antique Rapport au temps.

par Demeter         

par Don Quichotte

voir aussi : la «fracture temporelle»

par Cronos :

Rapport au temps

Un médium nous a rapporté cet extrait d'un dialogue céleste :

« ...
Ouranos : - En quoi philosopher sur le temps pourrait bien apporter quoi que ce soit au problème du chômage ?
Foin de propos oiseux ! Chômeur, retourne à tes cours de rédaction de CV, de lettres de candidatures, et à l'Académie Nationale des Pantalonnades d'Entretiens d'embauche !
Cronos : - Sauf que, depuis le temps que les bons petits Français y mettent tout leur cœur, ... la proportion de ceux qui arrivent à vivre mieux n'augmente que chez ceux qui savent vendre ces préceptes. Si ceux qui s'attachent à suivre ces doctes conseils y trouvaient vraiment leur compte, cela se saurait.
...
»              ( rappel : Cronos = Saturne : voir mythologie ... )


Avis aux « tire au flanc » et aux « radiés » qui ne sont même plus comptabilisés comme chômeurs ! Toutes vos candidatures ont été rejetées ? Ceux-là mêmes qui les refusent ne se soucient en rien de votre avenir ? Ils (et Elles) sont 'surbookés', stressés par une charge de « travail » qui ne leur laisse pas une minute de repos ? Et, vous pensez qu'on va vous laisser crever tranquilles ?
Alors là, vous n'y êtes point du tout ! Au lieu de planer dans les nuages, vous serez bien obligés de rester sur terre: tant que vous ne serez pas passés dessous (la terre), c'est que vous avez encore des ressources retordes pour subsister sans rien faire ! On vous jalousera ... votre temps « libre » !!
Mais surtout, n'ayez pas la prétention d'utiliser ce temps, qui ne coûte plus rien à personne, à une quelconque action décidée de votre propre chef ! S'entraîner ? S'auto-former ? Écrire ? Penser ? Lire ? ... Et pourquoi pas dormir aussi ! Quel égoïsme ! Quelle vanité ! Si vous en êtes là, vous devriez comprendre que c'est parce que vous n'êtes faits que pour être aiguillés par un coach ou dirigés par tout être qui, parce qu'il dispose de moins de temps que vous, vous est supérieur !

Eh bien tant pis ! T'en fais pas, lecteur, lectrice, on va pourtant parler ici du temps. Pas du temps de la météo : on sait bien que tu n'as pas tant de temps, mais on va jaser sur le temps qui passe.
Et ça peut rapporter gros ! Le but du jeu n'est pas de renverser le cours du temps, mais plutôt d'inverser notre rapport au temps ! Ça paraît pas, mais ça devrait être le premier débat POLITIQUE à creuser de toute urgence, par les temps qui courent.
As-tu remarqué comment les temps modernes tendent à refondre le rapport au temps de l'Humanité ? Autrefois, la sagesse visait à prévoir l'avenir, à transmettre à la Postérité un savoir, une renommée; à perpétuer une Civilisation. La Noblesse se faisait fort de ne pas travailler ...
Maintenant, les pays qui se disent les plus civilisés astreignent tout le monde à une agitation, indifféremment matérielle ou intellectuelle, mais de plus en plus effrénée. Peu importent la pertinence des actions répétées, ni la sérénité perdue dans la course en avant. Ne compte(*) que ce qui est quantifiable: l'argent, les heures de « travail », le Nombre de communications passées, de kilomètres parcourus, de clients grugés, d'électeurs bernés, de gadgets possédés, d'employés virés, de conquêtes « amoureuses » ... Il faut donner un prix au sourire de la Joconde, c'est indispensable ! Ne pas faire la gueule à tous les crétins qui te sourient béatement au passage n'a d'intérêt que par le fait de préserver une santé psychique qui te garde efficace dans ton emploi !

Notre époque est fière d'elle. Nos ascendants avaient mis un certain temps à enterrer les dieux, pour n'en honorer plus qu'un. Nos générations sont en passe de faire plus fort : en sachant bien compter le temps, nous pensons le domestiquer (le « gérer »); et avec lui, c'est la notion même d'éternité que nous disputons à toute déité. Ce n'est peut-être pas toujours très conscient, mais c'est peut-être cette sensation de 'posséder' le temps qui nous induit à faire fi de l'Avenir. Après nous, le déluge !
D'ailleurs, puisque Nous maîtrisons quasiment toutes les lois de la physique, de la psychologie ... le seul défi qui compte est d'être Le plus fort, ou Le plus rusé. La seule notion qui voulait encore nous narguer est celle du temps ? Nous nous placerons dans une optique de fin du Monde. Admettant qu'il n'y a plus d'après, il ne reste alors effectivement que la course au plus malin.
Adieu donc les garde-fous d'autrefois : les « Qui va piano, va sano », les « Hâtes toi lentement », « Le lièvre et la tortue »... Il faut se dépêcher d'amasser un maximum de gloire ou de jouissance quantifiée, avant la proche fin de tous les Temps !
C'est ainsi que certains professent très sérieusement que, depuis aujourd'hui, le principe d'Évolution de l'espèce humaine fait que la jeunesse surclasse forcément ses aînés. (En gros, passé 40 ans, les vieux ne sachant pas suffisamment s'adapter, il est logique de mettre au panier toute candidature à un emploi ...). Par ces théories, de vieux mentors espèrent captiver une juvénilité reconnaissante. Paradoxalement, c'est en combinant ce principe avec une imminence de fin du Monde, sous-entendue mais tabou, qu'ils voudraient se voir couronnés comme Les représentants de l'apothéose de l'Humanité.

rapport avec la politique :

A peine quelques lignes d'abstraction et déjà tu t'impatientes : mais où est donc le rapport annoncé avec la politique ?
Et bien justement, il ne semble pas y en avoir ! C'est là toute l'astuce : le dévoiement de la perception du temps, (et de l'éternité) passe pour une fatalité : il est structurellement programmé !
Que peut faire ton député de ces divagations sur la perception du temps, répandues par les illuminés de sa circonscription ? Proposer un projet de loi pour faire un autodafé de toutes les pendules, horloges, montres ou chronomètres ?
Sous prétexte de se soucier d'avoir une conduite efficace, et terre à terre, les Responsables d'aujourd'hui n'acceptent (exceptionnellement) de dialoguer avec toi qu'au sujet de l'immédiat ou du court terme : en tout cas, toute échéance non couverte par un mandat qu'ils ne peuvent espérer ne les concerne pas.
Jusqu'au recruteur de sociétés de services, coach et conseilleur, qui recommandera, aux candidats qu'il draine, de ne pas avoir la prétention d'anticiper la fatalité par une prospective allant au-delà de trois mois! ( Celui-là se pose en exemple : « Regardez, moi je m'adapte; quand les clients me demandent des compétences pour un nouveau langage informatique, je ne vais pas leur proposer de former les attardés qui n'ont pas su évoluer ! » ... Il ira donc débaucher les ex-prétentieux qui ont investi, durant de longues années, et sans aucune garantie, dans l'apprentissage et la maîtrise de techniques, aventureuses jusqu'à hier ! )

Autrefois, on disait « gouverner, c'est prévoir ». ( La période prospective pouvait même être quasiment proportionnelle à l'étendue du territoire gouverné. Par exemple: pour le maire d'une bourgade : 3 mois; d'un village : 6 mois; ... pour le Président d'une superpuissance : 50 ans )
Mais en installant, subrepticement, dans les mentalités, l'acceptation d'une fatalité de la logique de fin du monde, il est tentant de se considérer comme la dernière génération significative de l'aventure Terrestre. L'exercice du Pouvoir s'en trouve simplifié : il ne s'agit plus que d'aller le plus vite possible pour cumuler un maximum de points de gloire : argent, subordonnés, prouesses techniques, mais surtout : bons mots médiatiques, paillettes et poudre aux yeux, ...

On a vu que se mettait en place une conjuration divine, entre spécimens de vieux maîtres aboutis et jeunes représentants de la perfection humaine ultime, pour accréditer cette vision de fin du monde.
Une multitude de crétins, entre les deux âges, se font écarter de tout moyen de survie sous prétexte qu'ils n'ont pas su muter. Mais on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs; et il en faut bien pour vénérer les méritants quand ils ont le bon goût de vouloir éviter de se vénérer eux-mêmes.
Bref, cette vision apocalyptique
, peut bien, pourquoi pas, correspondre au meilleur des mondes.
Il n'y aurait rien à y redire si une hypothèse audacieuse avait été complètement écartée de tout esprit.
A savoir : et si la fin du monde n'était pas si proche ? Et si d'autres sages faisaient un autre pari ?
Sur le plan géostratégique, imaginons une superpuissance qui aurait le culot de se projeter non pas dans 50 ans, mais dans 10 000 ans ?       (rappels/notion de "temps géologique")
Elle devrait d'abord vouloir éviter tous les fléaux anti-écologiques, les pandémies planétaires, l'anéantissement biologico-nucléaire ...
Mais là où ça pourrait nous intéresser directement, dès aujourd'hui, c'est que cela relativiserait significativement la culpabilisation de ceux qui rechignent à suivre cette course au toujours plus fort, toujours plus vite, toujours plus instable !
Pour survivre 50 ans de plus, une Puissance actuelle peut se sentir obligée d'accroître ses revenus matériels de 10% tous les ans. Imaginons qu'elle y parvienne par une augmentation annuelle de 10% du stress de ses habitants. Qui pourrait prédire les impacts culturels et structurels des changements de mentalités qu'une telle cadence sous-entend ? Un autre peuple, qui arriverait à survivre, avec moins d'atouts de puissance, peut-être, mais dans une atmosphère plus calme et plus sereine, n'aurait-il pas plus de chances d'éviter l'essoufflement, le désenchantement blasé, la désillusion ?
Sur le très long terme, dans la mesure où un rythme plus apaisé est jouable, l'excès de réactivité ne risque-t-il pas de conduire à une désadaptation du cours de l'évolution des temps géologiques ?
On peut compter(*) les secondes, mais qui n'a jamais eu le sentiment que cette tentative de quantifier le temps n'est qu'une illusion ?
Le temps d'une vie n'est rien par rapport au « temps géologique » qui se compte en milliards d'années. Le poids émotionnel d'un événement humain peut être lié au temps, mais, qui sait si le nombre de secondes lié à un fait vécu a plus d'importance que la qualité de l'émotion ressentie ?
Peut-on quantifier cette qualité de l'émotion ? Serait-il pour autant idiot d'y attacher plus d'importance qu'à une durée mesurée ?
Que faire alors pour ramener dans le champ politique une conception 'humaine' du temps ?
Pouvoir en parler, et pouvoir la désigner officiellement serait déjà un grand pas.


En fait, on retombe certainement ici sur le dilemme du recours démocratique à des élites. Si les « élites » politiques ont une stratégie à long, voire à très long terme, il est étonnant de constater à quel point aujourd'hui, elles nous cachent leur jeu et nous en tiennent écartés. De là à penser qu'elles nous sacrifient ...
Mais au fait, c'est quoi l'idéal démocratique ?


Cronos    


(*) : citation de Claude MARTINAND (vice-président du Conseil Général des Ponts et Chaussées)
« Plus on compte, plus on compte mal, car on ne compte pas tout, et ce qui compte le plus, c'est ce qui ne se compte pas. »

par Demeter :

La politique du temps ou le temps de la politique


Comment unifier ces deux calendriers : lesquels n'en font qu'un pour la plupart des Français ?
Les consultations électorales sont censées traduire nos attentes, nos besoins, nos contradictions, nos participations ... toutes choses prédéterminées par des politiques souvent éloignés de nos connaissances et des intérêts multiples qu'elles déterminent.
Le chômage a donné libre cours à des constats déprimants pour cette majorité hétéroclite des Français de toute condition.
Il y aurait la France, les classes dirigeantes ... et les Français en ordre de bataille !
Comment donner le juste poids au «temps» dans cette vision éclatée d'une masse qui se veut solidaire ?
Le rapport au temps est aussi variable que chacune de ces représentations.
Les votes sont l'unique occasion de reconnaître ces disparités à unifier: la classification n'est pas la
division. Rien ne se fera uniformément en dehors d'un constat commun pour une participation nécessaire.
Le but énoncé conditionne cette participation que le vote concrétise


... "Si les gens âgés conduisent plus lentement, ce n'est pas seulement parceque leurs réflexes sont plus lents, c'est aussi que leur carnet d'adresses est rempli de gens morts" 
  Ian Mc Ewan

par Don Quichotte :

Pistes concrètes pour une amélioration structurelle :


( à chercher : ... "conception du temps par De Rosnay" ... / "chronon" )
Question de curiosité : SVP, internautes, éclairez nos lanternes !
(politique ? philosophique ? métaphysique ? physique ? )


- Peut-il y avoir Temps sans Matière ?
- Peut-il y avoir Information sans Matière et sans Temps ?
- Si tel n'est pas le cas, comment le Temps et l'Information pourraient-ils suffire à exliquer la Matière ?